Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 septembre 2021 3 29 /09 /septembre /2021 05:45

LE LETTRÉ HAITIEN COMPREND T-IL  L’ÉCRITURE ?

 

Aujourd’hui, les Port-au-Princiens abritent par la peur d’être enlevé. Il s’agit d’une vague d’insécurité programmée, une forme de terrorisme qui ne fait pas partie de nos mœurs mais qui pourtant embaume notre quotidien.

 

Travaillant depuis plus de vingt ans sur le dossier national, proposant réformes, sorties de crise, feuilles de route, listes de personnalités crédibles, face à l’intransigeance rencontrée, je me demande si le lettré haïtien comprend l’écriture ?

 

Lors de la dernière vague d’insécurité, on avait enlevé un pasteur en plein service, aujourd’hui, on a abattu Sylner Lafaille sur le parvis d’une église, tandis que sa femme, Marie Marthe Laurent fut enlevée.

 

Le citoyen le moins informé sait que dans le pays, seuls deux bras peuvent activer la manette de la machine à tuer. Il s’agit de l’oligarchie et du gouvernement.

 

Les hommes d’affaires exercent des pressions sur le nouveau gouvernement. Pour maintenir leurs privilèges, si s’en est le cas, ils lui font payer la facture du crime.  

 

D’un autre côté, celui-ci, pour seoir son pouvoir, comme son prédécesseur, peut recourir aisément à des expédients malencontreux, macabres, hideux voire amers.

 

Finalement, le pouvoir se trouve au centre de cette tuerie, où l’innocence est immolée au profit des intérêts mesquins.

 

Puisque nous avons identifié les deux camps qui saignent la population soit pour arracher des contrats juteux soit pour consolider son règne implacable, qu’est-ce qui nous empêche alors d’ériger un nouveau front, celui du salut, de la paix et de la prospérité ?

 

Malheureusement, chez nous, l’individualisme est si célèbre que malgré l’insécurité, certains citoyens se croient invulnérables, imperméables voire invincibles. Ainsi, ils placent le malheur chez le voisin le plus éloigné.  

 

Cette forme d’égoïsme est à la base de tous nos malheurs. Alors, que pouvons-nous espérer ?

 

Il est difficile de savoir sur quelle planète vit l’Haïtien. Qu’il soit au pays ou à l’étranger, il dispose du même comportement ambigu, il dessine les mêmes signes complices.

 

Le citoyen haïtien réfute l’idée du bien-être collectif. Il a pris soit de boycotter et de saboter tout ce qui a trait au progrès.

 

Malheureusement, d’ici la fin de la semaine, certains d’entre nous ne seront plus de ce monde.

 

Force de penser à nous-mêmes, nous sommes devenus dangereux pour notre personne.

 

On a enlevé la femme, on a tué le mari. Si les victimes des cinq dernières années avaient milité pour le changement, ils seraient peut-être parmi nous aujourd’hui aussi bien que les chefs de famille qui dans les jours à venir laisseront paisiblement leur demeure et n’y reviendront pas.

 

Plus de deux mois après l’assassinat de l’ancien Président jovenel Moïse, la nation est plongée dans l’improvisation.

 

Après plusieurs jours de tractations, le Congrès de Montâna a  accouché un accord de « gouvernance apaisée ». Il s’agit d’un stratagème pondu par les politiciens traditionnels pour partager les privilèges de la transition.

 

On ne va rien critiquer, on ne va rien rectifier pendant que les jours et les mois nous conduisent aux prochaines élections lesquelles engendreront de nouveaux truands : borgnes, manchots, kleptomanes enfin toutes les types de pourritures que la politique charrie.

 

Auteur de réformes, d’analyses et de propositions de sortie de crise, je crois que les horreurs d’aujourd’hui auraient pu être évitées si nos lettrés comprenaient l’écriture, à moins que la malveillance qui nous rend célèbre influe sur nos habilités et nos jugements.

 

Augurant ces jours ensanglantés, je multipliais les avertissements. Mais comme toujours, la population s’en remet à Dieu.

 

En comptant les victimes, il faut identifier les coupables.

 

Même quand j’accuse les meurtriers, je dois mettre en cause la complicité citoyenne.

 

Au pays, plus de dix millions de citoyens sur onze sont en faveur du changement.

 

En 2019, à travers tout le pays, la population a gagné les rues. Beaucoup de manifestants ont trouvé la mort sur la route du changement. Malgré tout l’élite nationale n’a pas jugé bon de donner l’accolade au mouvement.

 

Cette trahison renforce le camp du pouvoir, elle amplifie aussi la rapacité de l’oligarchie.

 

Haïti est regorgée d’experts mais est privée de penseurs.

 

Mes initiatives des vingt dernières années consistent à encadrer l’intelligentsia nationale en vue de prendre les rênes du pouvoir.

 

Puisque les lettrés du pays sont empêtrés dans les embûches quotidiennes, puisqu’ils attendent le feu vert du Core Group pour agir, il revenait aux émigrés éclairés de prendre la relève.

 

Pendant que les bandits saignent nos rues, nos internautes ont pris le soin de boycotter les Propositions de sortie de crise avancées en publiant des idées mal conçues, œuvres de ferblantiers, de charpentiers et de boss maçons.

 

Ce crime est indéniable. Le Net haïtien s’est dégénéré en un cirque putride où l’offense et la souffrance inspirent l’absurde.

 

Quelle est l’ampleur de ce sabotage sur une période de dix ans ?

 

La confusion qu’elle traîne et entraîne renforce le camp des politiciens et des oligarques. Elle attise la violence, elle affaiblit la résistance.

 

Sincèrement, avec les politiciens, les oligarques, nos émigrés représentent un obstacle au changement.

 

Pour le salut national, une nouvelle direction doit être annoncée, un nouveau groupe d’hommes doit émerger, autrement nous allons errer dans l’irrationalité pendant des siècles.

 

Mon exposé atteste que nous ne sommes pas confrontés à la crise de compétence, mais au problème de discipline.

 

Quant à elle, la majorité réclame le changement. Il faut se demander pourquoi il tarde à poindre à l’horizon ?

 

C’est que la main de l’homme le retient. Parce que notre haine pour l’excellence nous conduit aux charlatans.

 

Ce qu’il reste aux pays de citoyens doivent avoir le courage d’accepter les directives proposées afin de faire avancer la cause. Car, tout changement passe par le dialogue, disons par l’écriture.

 

Après avoir publié plus d’un millier de pages sur le mouvement de changement, constatant les débâcles encourues, j’atteste que « le lettré haïtien ne comprend pas l’écriture ».

 

 

 

Rony Blain

Auteur du Guide de la réforme haïtienne

Initiateur de la Nouvelle opposition nationale

New York, le 27 septembre 2021

blainrony@yahoo.com

Partager cet article
Repost0

commentaires